Goma en cinq questions
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1. Quelle est la situation sur le terrain ? Pressées de quitter Goma après l’ultimatum formulé à Kampala par les présidents de la région, les forces militaires du M23 devraient avoir quitté Goma ce week end. Elles y sont poussées aussi par le débarquement de 500 policiers congolais, arrivés par bateau, par le prochain redéploiement d’unités des forces gouvernementales et aussi par la perspective d’une arrivée prochaine des premiers éléments de la « force neutre » africaine, soit 800 militaires tanzaniens appuyés par une logistique sud africaine. Ce retrait s’accompagne de pillages massifs : bâtiments officiels vidés de leurs ordinateurs, maisons des autorités de l’Etat pillées, véhicules, qu’ils appartiennent à des particuliers ou des administrations emportés. Lorsque le propriétaire refuse, il est menacé de mort, lorsque la clé manque, une rafale dans le moteur paralyse l’engin. Assiégée par les pillards, la Banque centrale a résisté : des sacs ont été emportés mais le coffre n’a finalement pas pu être forcé. Selon des témoins, les biens pillés ont été emmenés vers Kibumba, au nord de Goma et mis en lieu sûr au Rwanda tandis que des jeunes gens, venus de Gisenyi, ont traversé la frontière pour « se servir ».
2. Le retrait de Goma signifie-t-il un échec pour le M23 ? Alors que les militaires du mouvement ont obéi aux ordres venus de Kigali et de Kampala, l’aile politique a voulu pousser l’avantage, récupérer les griefs de l’opposition pour élargir sa base et susciter des ralliements, remettre en cause le chef de l’Etat. La prochaine négociation avec Kinshasa portera sans doute sur des questions de grades et d’affectations militaires, l’ « armée dans l’armée » restera en place pour quelque temps encore mais les acquis risquent de peser moins lourd que les blâmes : même les Tutsis congolais n’ont pas été unanimes à suivre le mouvement et la région l’a désavoué ; quant à l’opinion congolaise, même si elle se montre critique à l’encontre du président, elle n’a pas pour autant soutenu les rebelles.
3. Quel fut le rôle de la communauté internationale ? Sans avoir pu empêcher la chute infamante de Goma, elle n’est pas restée inactive. Du côté occidental, même les Britanniques ont suspendu leur aide au Rwanda, Hillary Clinton a eu des mots de blâme très durs, la France a rédigé les résolutions du Conseil de sécurité, amendées par l’américaine Susan Rice. Quant à la Belgique, elle s’est payée de mots, mais n’a rien entrepris de concret pour peser sur les évènements, réussissant à la fois à mécontenter le Rwanda et à décevoir Kinshasa. Par contre, les pays africains voisins du Congo ont déployé une activité intense : cinq réunions de chefs d’Etat à Kampala, préparation d’une force neutre dont la Tanzanie prendra la tête, pressions multiples de la diplomatie parallèle assorties de la menace d’une internationalisation du conflit, qui aurait vu débarquer à Goma Angolais et Tanzaniens. Quant à la Monusco, elle n’a empêché ni la chute de Goma ni les pillages mais l’engagement de ses hélicoptères de combat a été plus « robuste » que par le passé et des vols de reconnaissance surveillent désormais le M23.
4. Le président Kabila sort-il affaibli ou renforcé ? La défaite de son armée, minée par les trahisons à tous les niveaux, -malgré la performance de certains bataillons- a considérablement affaibli le chef de l’Etat, qui a même été soupçonné de complicité avec les rebelles via son chef d’Etat major, Amisi Tango Fort, qui a fini par être suspendu. La crise a révélé aussi l’ampleur des critiques à l’encontre du président, son manque de charisme, les défauts de sa gouvernance, les multiples affaires non résolues. Cette décrébibilisation a été accélérée par le travail de sape mené par les rebelles et leurs alliés rwandais, qui ont répandu des accusations fausses, soudoyé des groupes armés au Kivu et dans d’autres provinces, tenté de séduire des personnalités de l’opposition. Cependant, Joseph Kabila en a vu d’autres : s’il a reculé, -comme il l’a déjà fait maintes fois- c’est aussi pour mieux se remettre en piste, même si ses atouts s’inscrivent en négatif : aucun successeur possible ne se distingue au sein de la classe politique, les pays africains, dans leur grande majorité, le soutiennent et ne remettent pas en cause le résultat des élections. Quant au Rwanda et à l’Ouganda, s’ils veulent affaiblir Kabila pour extorquer des concessions et l’empêcher de restaurer la pleine souveraineté de l’Etat au Kivu, ils ont désavoué les rebelles qui rêvaient d’aller jusqu’à Kinshasa imposer un changement de régime. L’homme a reçu des coups certes, il a été mis dans les cordes, mais même KO, il est resté debout.
5. Le Rwanda a-t-il gagné quelque chose ? A court terme, les alliés du M23 obtiendront quelques concessions au Kivu : le glacis sécuritaire se maintiendra, l’accès aux ressources aussi, le retour des réfugiés congolais présents au Rwanda (vrais ou faux) pourrait s’accélérer, l’impunité sera préservée. Mais à terme, l’image du pays est ternie, les manœuvres ont été déjouées et les mensonges éventés, les yeux des amis occidentaux se dessillent en dépit des succès économiques. Certes, les Africains ont porté le Rwanda au Conseil de sécurité mais les illusions se sont évanouies et à l’intérieur du Congo, il faudra à nouveau des années d’effort pour effacer le souvenir de l’agression et de l’humiliation et restaurer un minimum de confiance.
2. Le retrait de Goma signifie-t-il un échec pour le M23 ? Alors que les militaires du mouvement ont obéi aux ordres venus de Kigali et de Kampala, l’aile politique a voulu pousser l’avantage, récupérer les griefs de l’opposition pour élargir sa base et susciter des ralliements, remettre en cause le chef de l’Etat. La prochaine négociation avec Kinshasa portera sans doute sur des questions de grades et d’affectations militaires, l’ « armée dans l’armée » restera en place pour quelque temps encore mais les acquis risquent de peser moins lourd que les blâmes : même les Tutsis congolais n’ont pas été unanimes à suivre le mouvement et la région l’a désavoué ; quant à l’opinion congolaise, même si elle se montre critique à l’encontre du président, elle n’a pas pour autant soutenu les rebelles.
3. Quel fut le rôle de la communauté internationale ? Sans avoir pu empêcher la chute infamante de Goma, elle n’est pas restée inactive. Du côté occidental, même les Britanniques ont suspendu leur aide au Rwanda, Hillary Clinton a eu des mots de blâme très durs, la France a rédigé les résolutions du Conseil de sécurité, amendées par l’américaine Susan Rice. Quant à la Belgique, elle s’est payée de mots, mais n’a rien entrepris de concret pour peser sur les évènements, réussissant à la fois à mécontenter le Rwanda et à décevoir Kinshasa. Par contre, les pays africains voisins du Congo ont déployé une activité intense : cinq réunions de chefs d’Etat à Kampala, préparation d’une force neutre dont la Tanzanie prendra la tête, pressions multiples de la diplomatie parallèle assorties de la menace d’une internationalisation du conflit, qui aurait vu débarquer à Goma Angolais et Tanzaniens. Quant à la Monusco, elle n’a empêché ni la chute de Goma ni les pillages mais l’engagement de ses hélicoptères de combat a été plus « robuste » que par le passé et des vols de reconnaissance surveillent désormais le M23.
4. Le président Kabila sort-il affaibli ou renforcé ? La défaite de son armée, minée par les trahisons à tous les niveaux, -malgré la performance de certains bataillons- a considérablement affaibli le chef de l’Etat, qui a même été soupçonné de complicité avec les rebelles via son chef d’Etat major, Amisi Tango Fort, qui a fini par être suspendu. La crise a révélé aussi l’ampleur des critiques à l’encontre du président, son manque de charisme, les défauts de sa gouvernance, les multiples affaires non résolues. Cette décrébibilisation a été accélérée par le travail de sape mené par les rebelles et leurs alliés rwandais, qui ont répandu des accusations fausses, soudoyé des groupes armés au Kivu et dans d’autres provinces, tenté de séduire des personnalités de l’opposition. Cependant, Joseph Kabila en a vu d’autres : s’il a reculé, -comme il l’a déjà fait maintes fois- c’est aussi pour mieux se remettre en piste, même si ses atouts s’inscrivent en négatif : aucun successeur possible ne se distingue au sein de la classe politique, les pays africains, dans leur grande majorité, le soutiennent et ne remettent pas en cause le résultat des élections. Quant au Rwanda et à l’Ouganda, s’ils veulent affaiblir Kabila pour extorquer des concessions et l’empêcher de restaurer la pleine souveraineté de l’Etat au Kivu, ils ont désavoué les rebelles qui rêvaient d’aller jusqu’à Kinshasa imposer un changement de régime. L’homme a reçu des coups certes, il a été mis dans les cordes, mais même KO, il est resté debout.
5. Le Rwanda a-t-il gagné quelque chose ? A court terme, les alliés du M23 obtiendront quelques concessions au Kivu : le glacis sécuritaire se maintiendra, l’accès aux ressources aussi, le retour des réfugiés congolais présents au Rwanda (vrais ou faux) pourrait s’accélérer, l’impunité sera préservée. Mais à terme, l’image du pays est ternie, les manœuvres ont été déjouées et les mensonges éventés, les yeux des amis occidentaux se dessillent en dépit des succès économiques. Certes, les Africains ont porté le Rwanda au Conseil de sécurité mais les illusions se sont évanouies et à l’intérieur du Congo, il faudra à nouveau des années d’effort pour effacer le souvenir de l’agression et de l’humiliation et restaurer un minimum de confiance.
30 novembre 2012
Le 11h02 : ” La souveraineté nationale, c’est tout l’enjeu de Goma “
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Les rebelles du M23 s’apprêtent à quitter leurs positions fraîchement conquises dans l’Est du Congo. Que laissent-ils derrière eux ? Quel impact a eu leur action ? Revisionner ci-dessous la vidéo du 11h02.
28 novembre 2012
Les rebelles ont réussi à vider la Banque centrale
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Fric-frac à la Banque centrale
Par prudence, les banques privées de Goma avaient veillé à ne pas détenir dans leurs coffres trop de liquidités et comptaient sur la Banque centrale pour assurer leur approvisionnement. Les rebelles ne s’y sont pas trompés : dès dimanche, ils ont donné l’assaut à l’établissement. Mais dans un premier temps, ils n’ont pas réussi à forcer des coffres dont ils ignoraient les codes d’accès. Selon un témoin oculaire, les assaillants se sont alors acharnés, faisant venir de Kampala (Ouganda) du matériel plus puissant ainsi que des spécialistes qui se sont dotés de groupes électrogènes pour pouvoir opérer de nuit également. D’après le ministre de l’information Lambert Mende, la tentative de « fric frac » est restée infructueuse jusque mardi soir, mais au cours de la journée de mercredi, elle a réussi. Selon un banquier de la place, les coffres ont été éventrés et vidés, leur contenu, placé dans des caisses, a été placé dans des véhicules qui ont pris la route du Nord Kivu.
Alors qu’elles pensaient rouvrir leurs portes, les banques privées, par manque de liquidités, sont demeuré fermées mercredi.
Par ailleurs, des civils, sympathisants du M23, ont été placés dans les administrations publiques, entre autres aux Finances.
Alors qu’elles pensaient rouvrir leurs portes, les banques privées, par manque de liquidités, sont demeuré fermées mercredi.
Par ailleurs, des civils, sympathisants du M23, ont été placés dans les administrations publiques, entre autres aux Finances.
28 novembre 2012
Goma observe le retrait des rebelles
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Goma retient son souffle. Malgré les déclarations contradictoires des dirigeants politiques et militaires de la rébellion, tout indique que, dans la journée de mercredi, les hommes du M23 ont commencer à évacuer la ville. Les premiers groupes ont regagné leurs fiefs de Rutshuru et du Masisi, et d’autres se sont installés à une vingtaine de kilomètres de la ville et à proximité de l’aéroport, ainsi que les chefs d’Etat africains réunis à Kampala durant le week end leur en avaient donné l’ordre. Si les militaires étaient peu visibles en ville, par contre la présence de nombreux policiers suscitait bien des questions. Plusieurs dizaines de policiers –en uniforme de la police nationale et dotés d’armes- auraient été envoyés de Rutshuru jusque Goma et aux yeux de nombre d’habitants, il s’agît de militaires déguisés, revêtus d’uniformes volés ! Par ailleurs, des policiers gouvernementaux circulent également, et les civils les identifient au fait qu’ils sont dépourvus d’armes.
D’après le porte parole militaire du mouvement, le colonel Sultani Makenga, le retrait des troupes, entamé mercredi, pourrait être terminé d’ici vendredi. Outre la pression diplomatique, une autre raison pourrait expliquer le départ des militaires : selon certaines sources, dans le cadre de la « force neutre » que les pays de la région ont convenu de déployer deux compagnies de militaires tanzaniens sont attendues incessamment à Goma, tandis que les forces armées congolaises, basées à Minova, sur la route de Bukavu, menacent elles aussi de faire mouvement.
Le retrait des militaires suscite d’ailleurs bien des contradictions au sein du mouvement rebelle. Certains combattants, stimulés par la victoire, auraient voulu étendre leurs lignes jusque Bukavu et, dans le Nord Kivu, jusque Beni.
Mais surtout, les « politiques », entraînés par leur porte parole, Jean-Marie Runiga, à la veille d’une éventuelle négociation avec le président Kabila, tentent de faire monter les enchères et de poser des exigences politiques, afin de rallier de vastes secteurs de l’opposition congolaise. Ratissant large, le M23 élargit ses revendications à des questions de démocratie et de droits de l’homme, exigeant l’arrestation du général Numbi, mis en cause dans l’affaire Chebeya, une enquête sur l’attentat manqué contre le Docteur Mukwege à Bukavu, la dissolution de la Commission électorale indépendante, et le rétablissement de la liberté de mouvement d’Etienne Tshisekedi.
Si ces revendications peuvent être légitimement présentées au régime de Kinshasa, qui aurait d’ailleurs intérêt, pour sa propre survie, à les prendre en compte au plus tôt, il est assez piquant de les voir relayées par un mouvement qui a pris les armes en bénéficiant du soutien d’un pays voisin, qui compte en ses rangs plusieurs officiers visés par la justice internationale pour crimes de guerre ou recrutement d’enfants- soldats. Sur le terrain, le comportement des mutins infirme d’ailleurs les appels à la « bonne gouvernance » prônés par leurs dirigeants. Plusieurs sources en effet nous ont confirmé que des dizaines de véhicules appartenant aux administrations publiques (Office des routes, autorités provinciales) ou à de simples particuliers qui étaient sortis imprudemment, avaient été confisqués et emmenés par les rebelles dans leur place forte de Rutshuru. Depuis Kinshasa, le porte parole du gouvernement Lambert Mende, a déclaré que ces véhicules volés, jeeps et camions semi-remorques, avaient été emportés au Rwanda et que des stocks de minerais qui avaient été saisis par les services de l’Etat ont eux aussi traversé la frontière. Ces pratiques rappellent la mise à sac du Kivu qui avait été opérée lors de la première ou le la deuxième guerre du Congo, lorsque les forces ougandaises et rwandaises avaient, par avions entiers, rapatrié les butins saisis au Congo.
Lorsque le retrait de Goma sera effectif, restera à appliquer l’autre volet des engagements pris à Kampala : le président Kabila devra entamer avec les rebelles des négociations sur les points qui avaient été jugés « légitimes » par les chefs d’Etat africains réunis dans la capitale ougandaise
D’après le porte parole militaire du mouvement, le colonel Sultani Makenga, le retrait des troupes, entamé mercredi, pourrait être terminé d’ici vendredi. Outre la pression diplomatique, une autre raison pourrait expliquer le départ des militaires : selon certaines sources, dans le cadre de la « force neutre » que les pays de la région ont convenu de déployer deux compagnies de militaires tanzaniens sont attendues incessamment à Goma, tandis que les forces armées congolaises, basées à Minova, sur la route de Bukavu, menacent elles aussi de faire mouvement.
Le retrait des militaires suscite d’ailleurs bien des contradictions au sein du mouvement rebelle. Certains combattants, stimulés par la victoire, auraient voulu étendre leurs lignes jusque Bukavu et, dans le Nord Kivu, jusque Beni.
Mais surtout, les « politiques », entraînés par leur porte parole, Jean-Marie Runiga, à la veille d’une éventuelle négociation avec le président Kabila, tentent de faire monter les enchères et de poser des exigences politiques, afin de rallier de vastes secteurs de l’opposition congolaise. Ratissant large, le M23 élargit ses revendications à des questions de démocratie et de droits de l’homme, exigeant l’arrestation du général Numbi, mis en cause dans l’affaire Chebeya, une enquête sur l’attentat manqué contre le Docteur Mukwege à Bukavu, la dissolution de la Commission électorale indépendante, et le rétablissement de la liberté de mouvement d’Etienne Tshisekedi.
Si ces revendications peuvent être légitimement présentées au régime de Kinshasa, qui aurait d’ailleurs intérêt, pour sa propre survie, à les prendre en compte au plus tôt, il est assez piquant de les voir relayées par un mouvement qui a pris les armes en bénéficiant du soutien d’un pays voisin, qui compte en ses rangs plusieurs officiers visés par la justice internationale pour crimes de guerre ou recrutement d’enfants- soldats. Sur le terrain, le comportement des mutins infirme d’ailleurs les appels à la « bonne gouvernance » prônés par leurs dirigeants. Plusieurs sources en effet nous ont confirmé que des dizaines de véhicules appartenant aux administrations publiques (Office des routes, autorités provinciales) ou à de simples particuliers qui étaient sortis imprudemment, avaient été confisqués et emmenés par les rebelles dans leur place forte de Rutshuru. Depuis Kinshasa, le porte parole du gouvernement Lambert Mende, a déclaré que ces véhicules volés, jeeps et camions semi-remorques, avaient été emportés au Rwanda et que des stocks de minerais qui avaient été saisis par les services de l’Etat ont eux aussi traversé la frontière. Ces pratiques rappellent la mise à sac du Kivu qui avait été opérée lors de la première ou le la deuxième guerre du Congo, lorsque les forces ougandaises et rwandaises avaient, par avions entiers, rapatrié les butins saisis au Congo.
Lorsque le retrait de Goma sera effectif, restera à appliquer l’autre volet des engagements pris à Kampala : le président Kabila devra entamer avec les rebelles des négociations sur les points qui avaient été jugés « légitimes » par les chefs d’Etat africains réunis dans la capitale ougandaise
26 novembre 2012
Goma fait la morte face aux rebelles
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Alors qu’expirait l’ultimatum émis dimanche à Kampala par la Conférence internationale des pays des Grands Lacs (CIRGL) enjoignant aux rebelles du M23 de quitter dans les 48 heures la capitale du Nord Kivu, Goma a connu une journée de calme inhabituel. Les commerçants ont gardé leurs boutiques fermées et tous les propriétaires de véhicules se sont abstenus de circuler. « Nous craignons qu’avant de quitter la ville sous la pression internationale, les rebelles ne tentent de s’emparer d’un maximum de biens » nous a assuré, par téléphone, un « bourgeois » de Goma, précisant que les jours précédents, « des dizaines de véhicules publics avaient été emportés : une quarantaine de camions que l’Union européenne avait donnés à l’Office des routes, des voitures offertes par la Chine à la mairie de Goma, une trentaine de jeeps destinées aux députés provinciaux. Ces véhicules auraient été emmenés vers le Nord, en direction de Kibumba puis de Rushuru, le fief des rebelles. »
Quant aux banques de la place, elles sont restées fermées elles aussi, craignant d’être dévalisées, et cela malgré les objurgations du M23 qui avait sommé les opérateurs économiques de reprendre leurs activités. Certains établissements avaient été attaqués par les militaires, mais ces derniers sont repartis bredouilles, les liquidités étant, pour l’essentiel, logées à la Banque centrale dans des coffres dont les codes n’étaient en possession que d’une dizaine de personnes, qui ont toutes pris la fuite. Par contre, de nombreux témoins nous ont relaté des actes de pillage : « dans des camions et des jeeps, on a chargé jusqu’aux WC et aux lavabos et les entrepôts de l’OFIDA (Office des douanes) ont été vidés par les rebelles». En outre, une trentaine de magistrats ont préféré fuir Goma pour Bukavu, d’où ils ont été acheminés sur Kinshasa. Quant au gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, il s’est réfugié dans la capitale tandis que l’administration provinciale s’est repliée sur Beni.
Les écoles de Goma sont elles aussi restées fermées, dans la crainte que les garçons soient recrutés de force comme enfants-soldats.
Cette crainte est renforcée par de nombreuses disparitions inexpliquées et certaines informations relèvent que des jeunes garçons auraient été enlevés et amenés dans le camp militaire de Rumangabo pour y recevoir une formation militaire. Quant aux défenseurs des droits de l’homme et aux militants de la société civile, ils vivent dans la terreur, redoutant de faire l’objet d’exécutions ciblées.
La situation économique de Goma a été aggravée par l’arrêt du trafic sur le lac Kivu, tous les bateaux faisant la navette entre Goma et Bukavu ayant été mis à l’abri dans la capitale du Sud Kivu. Si dans les villes, les prix des denrées alimentaires ont explosé, les habitants de l’île d’Idjui, quant à eux, redoutent la famine, les approvisionnements, qui se faisaient exclusivement par bateau, ayant été stoppés lors de la chute de Goma.
A l’extérieur de la ville, la situation est plus dramatique encore : par dizaines de milliers, des civils fuient dans tous les sens, vers Minova, vers Sake, vers Goma, changeant de direction au fil des combats ou des informations contradictoires et les déplacés sont totalement privés d’eau potable. De tels mouvements de population font redouter une épidémie de choléra, endémique dans la région. Dans la ville de Goma, c’est l’ICCN ( Institut congolais chargé de la gestion des parcs naturels) qui a installé quatre pompes à eau fonctionnant sur générateurs, afin de parer au plus pressé.
Sur le plan militaire, troupes rebelles et gouvernementales se font face à Kirotshe, une localité, avec Minova, représente un « verrou » sur la route de Bukavu.
La situation militaire et politique provoque d’ailleurs des dissensions au sein des forces rebelles : les militaires de l’ « armée révolution du Congo » nouveau nom que se sont donnés les combattants du M23, seraient en opposition avec la branche politique du mouvement, dirigée par le pasteur Jean-Marie Buniga Rugenero. Selon certaines sources, les soldats rebelles, grisés par la victoire remportée à Goma, seraient prêts à s’emparer de Bukavu au Sud et de Béni au Nord alors qu’ à Kampala, la branche politique du mouvement, moyennant une négociation avec le président Kabila, a été sommée de se retirer jusqu’à 20 km au nord de la ville.
C
Quant aux banques de la place, elles sont restées fermées elles aussi, craignant d’être dévalisées, et cela malgré les objurgations du M23 qui avait sommé les opérateurs économiques de reprendre leurs activités. Certains établissements avaient été attaqués par les militaires, mais ces derniers sont repartis bredouilles, les liquidités étant, pour l’essentiel, logées à la Banque centrale dans des coffres dont les codes n’étaient en possession que d’une dizaine de personnes, qui ont toutes pris la fuite. Par contre, de nombreux témoins nous ont relaté des actes de pillage : « dans des camions et des jeeps, on a chargé jusqu’aux WC et aux lavabos et les entrepôts de l’OFIDA (Office des douanes) ont été vidés par les rebelles». En outre, une trentaine de magistrats ont préféré fuir Goma pour Bukavu, d’où ils ont été acheminés sur Kinshasa. Quant au gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, il s’est réfugié dans la capitale tandis que l’administration provinciale s’est repliée sur Beni.
Les écoles de Goma sont elles aussi restées fermées, dans la crainte que les garçons soient recrutés de force comme enfants-soldats.
Cette crainte est renforcée par de nombreuses disparitions inexpliquées et certaines informations relèvent que des jeunes garçons auraient été enlevés et amenés dans le camp militaire de Rumangabo pour y recevoir une formation militaire. Quant aux défenseurs des droits de l’homme et aux militants de la société civile, ils vivent dans la terreur, redoutant de faire l’objet d’exécutions ciblées.
La situation économique de Goma a été aggravée par l’arrêt du trafic sur le lac Kivu, tous les bateaux faisant la navette entre Goma et Bukavu ayant été mis à l’abri dans la capitale du Sud Kivu. Si dans les villes, les prix des denrées alimentaires ont explosé, les habitants de l’île d’Idjui, quant à eux, redoutent la famine, les approvisionnements, qui se faisaient exclusivement par bateau, ayant été stoppés lors de la chute de Goma.
A l’extérieur de la ville, la situation est plus dramatique encore : par dizaines de milliers, des civils fuient dans tous les sens, vers Minova, vers Sake, vers Goma, changeant de direction au fil des combats ou des informations contradictoires et les déplacés sont totalement privés d’eau potable. De tels mouvements de population font redouter une épidémie de choléra, endémique dans la région. Dans la ville de Goma, c’est l’ICCN ( Institut congolais chargé de la gestion des parcs naturels) qui a installé quatre pompes à eau fonctionnant sur générateurs, afin de parer au plus pressé.
Sur le plan militaire, troupes rebelles et gouvernementales se font face à Kirotshe, une localité, avec Minova, représente un « verrou » sur la route de Bukavu.
La situation militaire et politique provoque d’ailleurs des dissensions au sein des forces rebelles : les militaires de l’ « armée révolution du Congo » nouveau nom que se sont donnés les combattants du M23, seraient en opposition avec la branche politique du mouvement, dirigée par le pasteur Jean-Marie Buniga Rugenero. Selon certaines sources, les soldats rebelles, grisés par la victoire remportée à Goma, seraient prêts à s’emparer de Bukavu au Sud et de Béni au Nord alors qu’ à Kampala, la branche politique du mouvement, moyennant une négociation avec le président Kabila, a été sommée de se retirer jusqu’à 20 km au nord de la ville.
C
26 novembre 2012
Trop facile de crier haro sur la Monusco
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Face au désastre militaire, politique et humain que représente la chute de Goma et la reprise de la guerre au Kivu, l’unanimité est facile : chacun s’emploie à crier haro sur la Monusco, la Mission des Nations unies chargée de stabiliser le Congo. Censés empêcher que la ville tombe aux mains des rebelles, les Casques bleus auraient dramatiquement échoué et, de tous côtés, on exige désormais que leur mandat soit, une fois de plus, durci et renforcé. La réalité est cependant plus complexe que le simple constat d’échec : indispensable partenaire de la force onusienne, il se confirme que l’armée congolaise est minée de l’intérieur. Au fil des accords de paix successifs garantissant l’impunité, elle a été infiltrée par des personnages douteux, liés à des réseaux mafieux internes ou à des forces étrangères. Il a fallu qu’un rapport d’experts le mette nommément en cause et l’accuse d’avoir vendu des armes pour que le chef de l’armée de terre, le général Amisi, numéro deux des forces armées, soit enfin suspendu par le président Kabila. Aux côtés d’un tel allié, que pouvait faire l’ONU ?
Par ailleurs, aucun pays occidental n’entend fournir de troupes à la Monusco, ce qui oblige les Nations unies à recruter en Inde, au Népal, au Pakistan, des hommes qui n’ont aucune affinité avec l’Afrique centrale et surtout aucune envie, quel que soit le mandat de leur mission, de mettre leur vie en danger. Dans le cas de la Belgique, les conclusions de la commission Rwanda recommandent de ne plus envoyer de troupes dans nos anciennes colonies. Pourquoi faut il que la lâcheté qu’a représenté le retrait des 500 Casques bleus belges qui se trouvaient à Kigali en 1994 justifie, aujourd’hui encore, une autre lâcheté, l’abandon des Congolais ? Car si des militaires belges pouvaient être déployés au Kivu, dans le cadre ou non des Nations unies, ils pourraient certainement y tenir un rôle dissuasif, dotés qu’il seraient d’un capital de confiance et d’une capacité de renseignement bien supérieurs aux atouts dont ils disposaient en Afghanistan.
Et même si la Belgique refuse toujours de déployer des hommes au sol, pourquoi ne fournit elle pas à l’ONU l’appui de ses drônes, des engins qui pourraient photographier la frontière entre le Rwanda et le Congo, avec bien plus d’efficacité qu’une hypothétique « force neutre » ?
Par ailleurs, aucun pays occidental n’entend fournir de troupes à la Monusco, ce qui oblige les Nations unies à recruter en Inde, au Népal, au Pakistan, des hommes qui n’ont aucune affinité avec l’Afrique centrale et surtout aucune envie, quel que soit le mandat de leur mission, de mettre leur vie en danger. Dans le cas de la Belgique, les conclusions de la commission Rwanda recommandent de ne plus envoyer de troupes dans nos anciennes colonies. Pourquoi faut il que la lâcheté qu’a représenté le retrait des 500 Casques bleus belges qui se trouvaient à Kigali en 1994 justifie, aujourd’hui encore, une autre lâcheté, l’abandon des Congolais ? Car si des militaires belges pouvaient être déployés au Kivu, dans le cadre ou non des Nations unies, ils pourraient certainement y tenir un rôle dissuasif, dotés qu’il seraient d’un capital de confiance et d’une capacité de renseignement bien supérieurs aux atouts dont ils disposaient en Afghanistan.
Et même si la Belgique refuse toujours de déployer des hommes au sol, pourquoi ne fournit elle pas à l’ONU l’appui de ses drônes, des engins qui pourraient photographier la frontière entre le Rwanda et le Congo, avec bien plus d’efficacité qu’une hypothétique « force neutre » ?
22 novembre 2012
Nord Kivu: vers un basculement? .
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Alors que les habitants de Bukavu craignaient l’arrivée des rebelles du M23 dont les premières colonnes étaient signalées à Katana, la situation semble avoir basculé, tant sur le plan politique que militaire. Le M23, qui se trouvait à Sake, au nord de Goma, en a été chassé par les forces gouvernementales alliés à des groupes Mai Mai, après trois heures de combat. Du côté congolais, on assure que les militaires rwandais, après avoir soutenu les rebelles, ont repassé la frontière jeudi tandis que des bombardements congolais sur la ville rwandaise de Gisenyi, en milieu de semaine, auraient fait des victimes. Mais la bataille est surtout diplomatique: alors qu’il se préparait à tenir une conférence de presse à Goma, le président du M23, Jean Marie Runiga, est brusquement parti pour Kampala, rappelé par le président Museveni. Rappelons que la veille, les trois présidents, Kabila, Kagame et Museveni, avaient appelé le mouvement rebelle à se retirer de la ville de Gomaet à stopper l’offensive tandis que le M23, de son côté, exigeait un dialogue avec le chef de l’Etat, portant sur des revendications d’ordre militaire mais aussi sur des problèmes de gouvernance et de démocratie.
En début de soirée, on s’attendait à ce que le M23 annonce son retrait de Goma, à la suite de fortes pressions exercées qui auraient été exercées par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon dans un message personnel aux deux présidents.
Il apparaît aussi que les pays de la SADCC (conférence des Etats d’Afrique australe) n’entendaient pas rester indifférents face aux développements de la situation au Kivu et au risque de déstabilisation à Kinshasa et que des pays comme l’Angola ou le Zimbabwe auraient accéléré des plans d’intervention directe. Cette internationalisation de la guerre aurait fait reculer la région d’une décennie, au temps où six armées africaines s’affrontaient en terre congolaise. Un risque que nul ne voulait prendre. Restera à savoir, si les hostilités devaient prendre fin, quel aura été le prix consenti par le président Kabila.
En début de soirée, on s’attendait à ce que le M23 annonce son retrait de Goma, à la suite de fortes pressions exercées qui auraient été exercées par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon dans un message personnel aux deux présidents.
Il apparaît aussi que les pays de la SADCC (conférence des Etats d’Afrique australe) n’entendaient pas rester indifférents face aux développements de la situation au Kivu et au risque de déstabilisation à Kinshasa et que des pays comme l’Angola ou le Zimbabwe auraient accéléré des plans d’intervention directe. Cette internationalisation de la guerre aurait fait reculer la région d’une décennie, au temps où six armées africaines s’affrontaient en terre congolaise. Un risque que nul ne voulait prendre. Restera à savoir, si les hostilités devaient prendre fin, quel aura été le prix consenti par le président Kabila.
21 novembre 2012
Deux hommes sur un fil tendu
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Deux hommes sur un fil tendu
Durant deux heures, deux hommes en danger, les présidents Kabila et Kagame, se sont entretenus à Kampala, en tête à tête et le lendemain, en compagnie de leur hôte, le président Museveni, ils ont appelé le mouvement rebelle M23 à se retirer de Goma.
A première vue, le président du Rwanda, Paul Kagame, est le plus sûr de lui. Officiellement, il n’est pour rien dans les ennuis de son voisin et propose même ses bons offices politiques. En réalité, nul n’est dupe et chacun sait que le M23 n’est que l’ombre portée du pouvoir rwandais. Même si les blâmes sont encore feutrés et les sanctions timides, l’aura du Rwanda est entamée, les rapports des experts ont relativisé les succès économiques du pays, les liant à l’exploitation des ressources congolaises. Le « bon élève » est désormais montré du doigt. Mais Kagame, même si à Kampala il les a ouvertement désavoués, a-t-il un autre choix que soutenir en sous main les rebelles du Congo ? Son pouvoir est moins homogène qu’on ne le croit : à l’heure où le passage à l’opposition des généraux Kayumba et Karegeya, anciens piliers du Front patriotique, a affaibli les cercles du pouvoir, le soutien des officiers francophones est plus indispensable que jamais. Et ces derniers entretiennent avec les Tutsis du Kivu des liens d’affaires, de famille, de solidarité. Si Kagame devait être « partie de la solution » et abandonner ses harkis congolais, cela pourrait lui coûter cher sur le plan intérieur.
Mais des deux hommes, c’est sans contexte le président du Congo, Joseph Kabila, qui est dans la plus mauvaise posture, à très court terme, humilié qu’il est par la chute de Goma et de Sake aux mains de la rébellion du M23. A travers le Congo, les manifestations se multiplient, elles dénoncent l’impuissance des Nations unies mais surtout l’incurie d’un pouvoir extraordinairement discrédité, accusé d’incapacité, d’indifférence mais aussi de félonie. A Kinshasa, le chef de l’Etat pourrait être mis en difficulté devant la Chambre et le Sénat, et plus d’une centaine d’élus, au lieu d’en appeler à l’unité nationale, ont préféré réclamer la démission du chef de l’Etat, exigence qui est aussi celle des rebelles.
Sonné par la défaite, Kabila doit choisir entre deux dangers : ou bien il négocie avec le M23 et répond, s’il n’est pas trop tard, à certaines de ses revendications (les grades, les soldes mais surtout le maintien d’une « armée dans l’armée » et la garantie de l’impunité) et il se soumet aux ukases politiques. Un tel choix, inévitablement, confortera l’accusation de trahison, de collusion avec l’ennemi.
Ou alors le chef de l’Etat, garant de l’intégrité de la nation et des institutions, oppose aux rebelles une fin de non recevoir, refuse leur réintégration autant qu’une négociation imposée par la force des armes, largement étrangères de surcroît. Cette position est déjà celle du premier ministre, qui déclare que le Congo a perdu une bataille, mais pas la guerre. Dans ce cas, tout pourrait s’accélérer : déjà les habitants de Bukavu se terrent, attendant la chute de leur ville, des groupes armés « dormants » ou dispersés apparaissent dans d’autres provinces, des opposants descendent dans la rue à Kinshasa et dénoncent le régime. A toutes fins utiles, des ambassades, préparant le scénario du pire, peaufinent des plans d’évacuation. Mais le pire est-il inévitable ? A Kinshasa, on rappelle que, voici deux semaines, l’ambassadeur d’Angola avait déclaré que son pays ne permettrait jamais que l’on porte atteinte à l’intégrité du Congo tandis que les représentants de la SADC (Conférence des Etats d’ Afrique australe), après enquête à Goma, s’étaient déclarés convaincus de l’implication étrangère.
De Tombouctou, où les Etats d’Afrique de l’Ouest se préparent à intervenir contre les islamistes, à Goma qui pourrait bénéficier de la sollicitude armée de l’Afrique australe, les organisations régionales africaines, tirant la leçon de l’impuissance onusienne et de l’hypocrisie occidentale, pourraient représenter un élément imprévu…
A première vue, le président du Rwanda, Paul Kagame, est le plus sûr de lui. Officiellement, il n’est pour rien dans les ennuis de son voisin et propose même ses bons offices politiques. En réalité, nul n’est dupe et chacun sait que le M23 n’est que l’ombre portée du pouvoir rwandais. Même si les blâmes sont encore feutrés et les sanctions timides, l’aura du Rwanda est entamée, les rapports des experts ont relativisé les succès économiques du pays, les liant à l’exploitation des ressources congolaises. Le « bon élève » est désormais montré du doigt. Mais Kagame, même si à Kampala il les a ouvertement désavoués, a-t-il un autre choix que soutenir en sous main les rebelles du Congo ? Son pouvoir est moins homogène qu’on ne le croit : à l’heure où le passage à l’opposition des généraux Kayumba et Karegeya, anciens piliers du Front patriotique, a affaibli les cercles du pouvoir, le soutien des officiers francophones est plus indispensable que jamais. Et ces derniers entretiennent avec les Tutsis du Kivu des liens d’affaires, de famille, de solidarité. Si Kagame devait être « partie de la solution » et abandonner ses harkis congolais, cela pourrait lui coûter cher sur le plan intérieur.
Mais des deux hommes, c’est sans contexte le président du Congo, Joseph Kabila, qui est dans la plus mauvaise posture, à très court terme, humilié qu’il est par la chute de Goma et de Sake aux mains de la rébellion du M23. A travers le Congo, les manifestations se multiplient, elles dénoncent l’impuissance des Nations unies mais surtout l’incurie d’un pouvoir extraordinairement discrédité, accusé d’incapacité, d’indifférence mais aussi de félonie. A Kinshasa, le chef de l’Etat pourrait être mis en difficulté devant la Chambre et le Sénat, et plus d’une centaine d’élus, au lieu d’en appeler à l’unité nationale, ont préféré réclamer la démission du chef de l’Etat, exigence qui est aussi celle des rebelles.
Sonné par la défaite, Kabila doit choisir entre deux dangers : ou bien il négocie avec le M23 et répond, s’il n’est pas trop tard, à certaines de ses revendications (les grades, les soldes mais surtout le maintien d’une « armée dans l’armée » et la garantie de l’impunité) et il se soumet aux ukases politiques. Un tel choix, inévitablement, confortera l’accusation de trahison, de collusion avec l’ennemi.
Ou alors le chef de l’Etat, garant de l’intégrité de la nation et des institutions, oppose aux rebelles une fin de non recevoir, refuse leur réintégration autant qu’une négociation imposée par la force des armes, largement étrangères de surcroît. Cette position est déjà celle du premier ministre, qui déclare que le Congo a perdu une bataille, mais pas la guerre. Dans ce cas, tout pourrait s’accélérer : déjà les habitants de Bukavu se terrent, attendant la chute de leur ville, des groupes armés « dormants » ou dispersés apparaissent dans d’autres provinces, des opposants descendent dans la rue à Kinshasa et dénoncent le régime. A toutes fins utiles, des ambassades, préparant le scénario du pire, peaufinent des plans d’évacuation. Mais le pire est-il inévitable ? A Kinshasa, on rappelle que, voici deux semaines, l’ambassadeur d’Angola avait déclaré que son pays ne permettrait jamais que l’on porte atteinte à l’intégrité du Congo tandis que les représentants de la SADC (Conférence des Etats d’ Afrique australe), après enquête à Goma, s’étaient déclarés convaincus de l’implication étrangère.
De Tombouctou, où les Etats d’Afrique de l’Ouest se préparent à intervenir contre les islamistes, à Goma qui pourrait bénéficier de la sollicitude armée de l’Afrique australe, les organisations régionales africaines, tirant la leçon de l’impuissance onusienne et de l’hypocrisie occidentale, pourraient représenter un élément imprévu…
21 novembre 2012
Cinq questions après la chute de Goma
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Symboliquement, que représente la chute de Goma ?
Une humiliation pour plusieurs acteurs, vvoilà ce que signifie la prise de Goma. En premier lieu pour l’armée congolaise, car même si plusieurs bataillons se sont bien comportés et ont remporté des succès initiaux, la logistique n’a pas suivi, les ordres ont été contradictoires. D’où le soupçon de trahison à l’encontre de la hiérarchie. Humiliation aussi pour le pouvoir de Kinshasa, qui avait refusé avec hauteur toute négociation avec les rebelles, mais sans avoir réellement les moyens d’une solution militaire.
Humiliation surtout pour la force onusienne, la plus importante et la plus coûteuse jamais déployée, rendue incapable, faute d’un mandat suffisant, de faire face à quelques milliers de rebelles tout comme elle se montre incapable de protéger les femmes victimes de violences sexuelles. La France, en urgence, a proposé de modifier le mandat de la Monusco. Mais est il encore temps ?
Humiliation enfin pour la « communauté internationale » A la veille d’une réunion du « comité des sanctions » de l’ONU, elle s’avère incapable de faire exécuter les mandats d’arrêt de la justice internationale contre les chefs de guerre, incapable de mettre en œuvre des sanctions dissuasives, incapable de faire respecter la souveraineté et les frontières d’un Etat membre, le Congo, incapable de proposer une solution de longue durée.
Humiliation aussi pour la diplomatie belge, tenue pour partie négligeable.
Quelles seront les conséquences de cette défaite militaire ?
Une vague d’indignation et de colère traverse toute la RDC : des locaux de la Monusco ont été attaqués à Kisangani et pourraient l’être à Bukavu, dans tout le pays les étudiants se mobilisent pour manifester dans les jours à venir. Les Congolais se sentent trahis par la communauté internationale mais leur colère se dirige aussi vers Kinshasa. L’opposition, au lieu de privilégier l’unité nationale face au danger de balkanisation du pays, préfère attaquer le chef de l’Etat ; certains de ses représentants ont eu des contacts avec les rebelles. Vital Kamerhe, qui démissionna à la suite des accords de 2009 avec le Rwanda prône aujourd’hui la négociation. Le président Kabila, qui avait réussi à organiser le sommet de la francophonie dans de bonnes conditions, ainsi que le Premier Ministre Matata Mponyo, artisan d’une embellie économique, sortent affaiblis de la crise actuelle : « actionnés » par les rebelles et leurs alliés, de multiples groupes armés se réveillent au Kivu mais aussi au Kasaï et ailleurs, confortant l’image du « chaos congolais » que Kigali s’emploie à promouvoir pour occulter sa propre responsabilité. En outre, la politique de « brassage » et d’intégration de groupes rebelles ayant permis l’infiltration de l’armée jusqu’au plus haut niveau, les militaires sont hantés par le soupçon de trahison, qui s’ajoute à la maladie
chronique – et nationale – de la corruption. Si Kinshasa refuse de négocier, les rebelles pourraient pousser jusqu’à Bukavu et on pourrait assister à une tentative de changement de régime à Kinshasa, le chef de l’Etat ayant déjà échappé à plusieurs tentatives d’assassinat.
Que veulent les rebelles du M23 et leurs alliés rwandais ?
Les revendications initiales des mutins étaient assez simples : ils exigeaient que soient respectés les accords conclus entre Kinshasa et Kigali le 23 mars 2009 prévoyant leur intégration dans l’armée congolaise, des promotions en grade, de meilleurs salaires. En réalité, un certain nombre d’officiers et de militaires issus des anciennes rébellions soutenues par le Rwanda refusèrent leur affectation dans d’autres provinces du Congo. Ils souhaitaient maintenir dans l’Est du pays une sorte d’« armée dans l’armée » et une administration parallèle garante des intérêts sécuritaires et surtout économiques du Rwanda et de certains de ses alliés Tutsis congolais. Après quelques revers, les rebelles, soutenus de l’extérieur, ont haussé le niveau de leurs exigences : ils affirment vouloir lutter contre la corruption, exigent des négociations avec Kinshasa qui incluraient l’opposition politique, la société civile et la diaspora. Ils ne dissimulent plus leur ambition de vouloir renverser le président Kabila et comptent sur le soutien de divers alliés au sein de la classe politique, comme l’ex député Roger Lumbala aujourd’hui réfugié en France. Prônant un changement de régime, ils estiment pouvoir capitaliser sur les faiblesses du pouvoir : des élections contestées, l’affaire Chebeya, les lenteurs de la réforme de la Commission électorale, l’affairisme au sommet de l’Etat, le mécontentement suscité par la politique de rigueur du Premier Ministre. La guerre a aussi bloqué l’arrestation de Bosco Ntaganda et autres criminels.
Comment expliquer l’implication du Rwanda ?
L’implication du Rwanda au Nord et au Sud-Kivu a été longtemps justifiée par des raisons sécuritaires : empêcher les incursions des miliciens hutus et le retour de l’idéologie du génocide, protéger les « cousins » Tutsis congolais. Aujourd’hui les forces hutues (moins de 2.000 hommes) ne représentent plus une menace, les Banyamulenge du Sud-Kivu sont fidèles à Kinshasa. Mais Kigali, sans l’exprimer ouvertement, souhaite que l’Est du Kivu demeure une zone de « souveraineté partagée » et veut pouvoir compter sur une « armée dans l’armée » et sur des alliés politiques locaux. Au cœur de cette ambition, la sécurité, mais surtout l ’économie : le Rwanda fonde son expansion et son rôle au sein de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (Comesa) sur le fait d’être un « hub » aérien et une plaque tournante pour l’exportation des minerais extraits au Congo (coltan, cassitérite, terres niobium, etc.) La découverte de gisements pétroliers a aiguisé les appétits : la société britannique SOCO (qui a des bureaux à Kigali) a entrepris des prospections pétrolières dans le parc des Virunga au Nord-Kivu. Quant au gisement de pétrole découvert sous le lac Albert, son exploitation devrait être partagée entre l’Ouganda (qui va se doter d’une raffinerie) et le Congo. Mais la nappe se prolongeant jusque Rutshuru, aux mains des rebelles, le Rwanda,
via ses alliés du M23, pourrait revendiquer de prendre sa part du pactole.
Quels sont les scénarios de sortie de crise ? Sous les auspices de la Conférence internationale sur la sécurité dans les grands lacs qui se tient à Kampala, une négociation a déjà commencé de facto, les présidents Kabila et Kagame étant appelés à se rencontrer. S’il veut enrayer une descente des rebelles sur Bukavu, le président congolais devra peut-être lâcher du lest. Mais des concessions le fragiliseront plus encore et il n’est pas certain que le scénario d’un changement de régime puisse être enrayé. Quant à la « communauté internationale » en dépit des pressions britanniques et américaines qui lissent toute résolution onusienne épinglant le Rwanda, elle pourrait, à l’initiative de la France, modifier le mandat de la Monusco, le rendre plus offensif afin d’imposer au Kivu le maintien de l’autorité légale. Des sanctions à l’encontre des soutiens du M23 pourraient être décidées, mais il n’est pas sûr qu’elles fassent fléchir Kigali, qui persiste à nier toute implication. La « force neutre » censée se déployer sur la frontière entre le Rwanda et le Congo, faute de financements et de contributeurs volontaires, n’a jamais été autre chose qu’un concept opérationnel. Seule une « force non neutre », c’est-à-dire offensive, à laquelle participeraient des pays « amis » du Congo, (des Etats d’Afrique australe ont été pressentis) pourrai faire basculer le rapport de forces, imposer le rétablissement de la souveraineté congolaise et restaurer la légalité. Mais les Etats n’ont que des intérêts, et guère d’amis.
21 novembre 2012
DEs rebelles dans Goma abandonnée
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Kiinshasa ayant refusé de négocier, les rebelles du M23 se sont emparés de Goma que ni les forces gouvernementales ni les Casques bleus n’ont su défendre.
A près avoir défait la garde républicaine qui avait tenu l’aéroport jusqu’à mardi matin, les rebelles du M23 ont pris le contrôle de la ville de Goma. A la mi-journée, leur chef, le général Sultani Makenga, a fait le tour des différents quartiers de la ville, tous aux mains de ses hommes. Alors que la population, terrée chez elle la veille sortait pour regarder passer les cortèges hérissés d’armes, les soldats mutins, dont beaucoup de très jeunes hommes, paradaient dans des véhicules tout terrain. Dans l’après-midi, plus aucun tir n’était entendu.
Quant aux forces gouvernementales, après avoir décroché de Goma, elles se sont repliées vers Sake et aussi vers Minova, une localité qui se trouve aux portes du massif du Masisi, dont le M23 avait été chassé avant l’été par les forces régulières. Le Masisi, avec ses vastes élevages, est souvent considéré comme le fief des Tutsis congolais. La reconquête du Masisi pourrait être le prochain objectif des forces rebelles. Mais à Bukavu, la population redoute une descente du M23 sur le Sud-Kivu au cas où ses revendications ne seraient pas entendues.
En effet, dans un communiqué rédigé en anglais, le président du mouvement, Bishop Jean-Marie Buniga, a précisé les revendications du mouvement : considérant que les accords conclus le 23 mars 2009 n’avaient pas été respectés par Kinshasa, le Mouvement du 23 mars exige, dans l’immédiat, la suspension de l’offensive militaire gouvernementale, la démilitarisation complète (par l’armée loyaliste…) de Goma et de son aéroport. Les rebelles exigent aussi que tous leurs officiers soient rétablis ou maintenus dans leurs grades au sein de l’armée gouvernementale et ils refusent l’idée d’être affectés dans d’autres provinces du pays.
Selon certaines sources, la poussée sur Goma aurait été accélérée après que, lundi, le ministre de l’information congolais, Lambert Mende, ait refusé toute négociation avec le M23, qualifiant le mouvement de « forces fictives mises en place par le Rwanda pour dissimuler ses activités criminelles en RDC ».
Des obus ont été tirés en direction du Rwanda et l’armée rwandaise a assuré que ces tirs avaient été délibérés. A peine entrés dans Goma, les rebelles ont pris le contrôle de deux postes frontières importants et les ont rouverts au trafic. A l’hôpital Heal of Africa, 37 blessés par balles ont été soignés, dont trois femmes enceintes, mais la ville ne porte pas trace de destructions ou de bombardements.
Pas de combats au sol
Alors que Roger Meece, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Congo, avait assuré à plusieurs reprises que la Monusco (Mission des Nations unies au Congo) défendrait Goma et l’empêcherait de tomber aux mains des mutins, les forces onusiennes ont subi un échec cuisant : lorsque les troupes gouvernementales se sont retirées, les Casques bleus n’ont pas combattu au sol pour défendre la capitale du Nord-Kivu, mais des hélicoptères ont tiré roquettes et obus pour tenter d’endiguer la progression des rebelles, jusqu’à ce que ces derniers s’emparent de l’aéroport. Mardi cependant, la Monusco était revenue à l’aéroport.
Quant aux travailleurs humanitaires, ceux qui n’ont pas fui au Rwanda se sont réfugiés dans le bâtiment du Programme alimentaire mondial, et les opérations dans le Nord-Kivu, destinées à ravitailler 650.000 déplacés, ont été suspendues.
Selon un porte-parole de l’ONU, les rebelles ont enlevé des femmes et des enfants et blessé des civils.
Sur le plan politique, le président Kabila, depuis Kinshasa, a lancé un appel à la « mobilisation de toute la population pour défendre la souveraineté du Congo » puis il s’est rendu à Kampala pour y discuter de la crise congolaise avec le président ougandais Museveni. M. Kabila compte présenter des preuves des soutiens extérieurs dont bénéficient les rebelles.
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